Pudore

Gaia ne veut plus être elle-même : elle se rase les cheveux et porte des perruques, brade ses boucles d’oreilles les plus précieuses sur eBay, se débarrasse de sa garde-robe et achète un nouveau lit – qu’elle ne sait pas monter. Elle veut se reconstruire, elle et son cadre de vie, à l’image de Veronica : sa bien-aimée, sa merveilleuse Veronica, dont elle vient d’être quittée. Veronica n’est pas seulement la personne dont Gaia est tombée amoureuse, mais aussi la femme qu’elle aimerait devenir – comme c’est le cas dans les premiers amours furieux. La famille d’origine de Gaia appartient à la solide bourgeoisie italienne qui vit à Munich et incarne tout ce qu’elle rejette : la culture humaniste comme ostentation, le culte de l’apparence, la tendance à déléguer les tâches opérationnelles à des subordonnés. Veronica, au contraire, est une femme vitale, concrète, extravertie et ensoleillée, à l’image de sa terre d’origine, le Salento. Le tempérament de Gaia est lunaire, réfléchi, enflammé par une imagination débridée : l’homme vigoureux et énergique qui se présente à sa porte pour récupérer des objets qu’elle veut vendre ne ressemble pas à un Joe, c’est bien Iwan. Renommer les gens, interpréter les situations dans lesquelles elle se trouve, est indispensable pour les intégrer dans son monde. Dans un soliloque tantôt rageur et vindicatif, tantôt dérouté et otage d’une myriade d’obsessions sublimes, mais toujours ironique et mordant, Gaia apprend à mieux se connaître et est prête à prendre réellement des risques pour devenir l’individu qu’elle veut être.