Libyagate. Inchieste, dossier, ombre e silenzi

Libyagate, c’est le nom d’une enquête menée par certains journalistes au péril de leur sécurité personnelle. Mais c’est aussi le terme symbolique qui désigne l’une des affaires les plus sombres de ces dernières années, restée largement à l’écart de l’attention du grand public et souvent occultée, dont le théâtre principal est tout proche de nous, cette mer Méditerranée, berceau des civilisations. Dans une Libye déjà déchirée par les luttes entre clans et factions, les drames des migrants, hommes, femmes et enfants, torturés, violés, tués par les trafiquants, se jouent jusque dans les centres de détention gouvernementaux soutenus par l’Europe, y compris l’Italie : une véritable usine à torture, où l’on vit d’une seule manière, inhumaine et dégradante, et où l’on meurt de multiples façons, tandis que les trafics se poursuivent et se ramifient bien au-delà des sables de l’Afrique du Nord. Car le « grand jeu libyen » est vaste et transversal, allant du trafic d’hommes à celui des armes, de la contrebande de drogue aux flottes fantômes de contrebande de pétrole, dans un réseau international qui, de la Libye, rejoint l’Europe via Malte et l’Italie, avec la connivence d’hommes d’affaires et d’hommes politiques et sous la large tutelle d’organisations mafieuses. Une histoire à la limite de l’incroyable, s’il n’y avait pas les témoignages douloureux de ceux qui ont échappé aux massacres et à la mer, les rapports nombreux et explicites de l’ONU et les appels sincères de son secrétaire, les dossiers déposés auprès de la Cour internationale de La Haye, les enquêtes courageuses de journalistes comme Nello Scavo, l’auteur de ce livre. À sa lecture, on se demande pourquoi nous ne savions rien ou si peu, pourquoi si peu de mots ont été consacrés jusqu’à présent au récit de cette « guerre perpétuelle ». Et peut-être est-il temps de les repêcher, ces mots manqués, dans les profondeurs de nos mers et de nos cœurs.