L’età fragile

Il n’y a pas d’âge sans peur. Nous sommes toujours fragiles, en tant que parents et en tant qu’enfants, lorsque nous devons reconstruire et que nous ne savons même pas où poser les fondations. Mais il y a un moment précis où l’on se jette dans le monde, où l’on est exposé, nu, et où le monde ne doit pas nous faire de mal. C’est pourquoi Lucia, sauvée par le hasard une nuit d’il y a trente ans, scrute aujourd’hui avec effroi le silence de sa fille. Tout le monde était là, cette nuit-là, au Dente del Lupo. Les bergers des Apennins, les propriétaires du camping, les chasseurs, les carabiniers. Tous, sauf trois filles qui n’étaient plus là. Amanda prend de justesse l’un des derniers trains et rentre chez elle, dans ce village près de Pescara d’où elle s’est enfuie. Un coup d’œil à sa mère suffit pour comprendre que quelque chose en elle s’est détraqué : les premiers jours à Milan, elle avait les lumières de la ville dans les yeux, maintenant elle semble vouloir disparaître, elle s’enferme dans sa chambre et ne parle presque plus. Lucia voudrait la protéger de tout, même au prix de l’étouffer, mais il y a un secret qu’elle ne peut pas lui cacher. Sous la Dent du Loup, sur un terrain qui appartient à leur famille et qui est aujourd’hui entre les mains de spéculateurs immobiliers, on peut encore voir les restes d’un campement où une chose terrible s’est produite bien des années auparavant. Parfois, le temps décide de revenir en arrière : sous cette montagne que Lucia a toujours essayé d’oublier, parmi les pâturages et les bois de son âge fragile, tous les fils se croisent. Coincée entre son vieux père enraciné dans la terre et une fille plus têtue que lui, Lucia comprend qu’une force la traverse et la dépasse. Peut-être que notre seul héritage, ce sont nos blessures. Avec son écriture rude, vibrante et profonde, capable de nous faire sentir le poids d’un regard et le son d’une question sans réponse, Donatella Di Pietrantonio touche dans ce roman une toute nouvelle tension.